Résumé
L'idée que des langues non apparentées pourraient fusionner en une langue du futur unique est l'une des idées-clés de Marr témoignant de son rejet de la tradition indo-européaniste. Mais une analyse plus précise des travaux linguistiques de Marr révèle que cette idée contredit non seulement les conceptions de ses opposants, mais aussi le principe essentiel de sa propre théorie glottogonique, selon laquelle une langue se développe à partir d'un état diffus (diffuznost') et syncrétique vers une spécialisation, d’un état commun vers la diversité. Ce principe est applicable à une langue considérée comme un tout, comme une partie originelle d'un acte magique syncrétique, comme le sont la danse, le chant et la musique ; mais il s'applique aussi à tous les constituants de la langue, tels que la phonétique, le lexique et la grammaire.
Appliqué à l'étude de la grammaire, ce principe permet à Marr de se départir de l’approche structurale et de promouvoir sa propre conception de la syntaxe et de la morphologie reconnaissant le rôle prédominant du contenu sur la forme (une approche par le contenu). Bien que critiquées pour avoir réduit le statut de la morphologie à un simple moyen auxiliaire de l'expression formelle, les conceptions de Marr promurent activement les principes de la grammaire fonctionnelle toute récente et offrirent une nouvelle solution pour dépasser l'atomisme et la rigidité du structuralisme.
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