COMME NOUS LE RAPPELLE le contenu d’un article paru dans le dernier numéro du Journal of Sociolinguistics1, la communication entre cliniciens et patients est encore loin de se réaliser toujours et partout dans le plein respect de ce qu’il est convenu d’appeler la dignité des personnes. Certes, la question de la dignité des personnes interroge plusieurs aspects de la relation thérapeutique. Le fait de comprendre et d’être entendu constitue à l’évidence l’un d’entre eux. De ce point de vue, une part importante de la population migrante et allophone apparaît clairement désavantagée. On pense particulièrement aux migrants primo-arrivants qui fréquentent de manière importante – du moins en Europe et en Amérique du Nord – les structures de santé. Une fréquentation qui s’explique pour une large part par la situation de vulnérabilité que peuvent, par exemple, engendrer un statut administratif précaire, de faibles ressources socioéconomiques et des traumatismes vécus dans le pays d’origine.
Dans le monde médical, comme ailleurs, la réussite des échanges verbaux suppose un partage, d’une part, des codes communicationnels utilisés dans ces échanges et, d’autre part, d’un certain nombre d’implicites culturels permettant de décrypter correctement le sens plein de tel ou tel message. La notion de « barrière linguistique » est souvent convoquée pour rendre compte des situations de nonpartage ou de partage très limité de ces codes et implicites. Cependant, cette notion et les réalités qu’elle devrait recouvrir apparaissent encore trop peu problématisées.