Résumé
La position de la théorie marriste en URSS était déterminée par la situation politique et la politique linguistique du pouvoir. La politique linguistique de l’Union Soviétique à l'époque de Staline peut être décrite comme un système de trois paradigmes successifs : au moment de la création de l'URSS un paradigme exocentrique, avec une motivation de politique extérieure : l'idée de la révolution mondiale imminente ; dans le seconde moitié des années 30 il est remplacé par un paradigme endocentrique, avec une motivation de politique intérieure : la construction du socialisme dans un seul pays ; après la discussion linguistique de 1950, c'est un paradigme exocentrique qui revient sur le devant, avec une nouvelle motivation de politique extérieure : l'idée d'intégration linguistique des pays du camp socialiste grâce à une langue zonale. Le marrisme s'est avéré compatible avec les deux premiers paradigmes et incompatible avec le troisième, ce qui explique la discussion de 1950. Dans le cadre du premier paradigme, le marrisme s'appuyait sur la cosmoglottique (science de la langue internationale), qui était inspirée par l'idée de la révolution mondiale. L’idée de révolution mondiale et la cosmoglottique qui lui était liée ont été anéanties au cours des purges de 1937-38. Le marrisme fut liquidé à l'étape suivante, mais moins pour redresser les torts théoriques anti-marxistes de Marr que pour des raisons d’ordre pragmatique : la mise en place du troisième paradigme.
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