Résumé
Il est question de la généalogie conceptuelle de l’«idéologie» et de la «psychologie sociale» chez Vološinov afin de recontextualiser sa pensée et de la réintroduire dans la réflexion occidentale sur la sémiologie des phénomènes idéologiques. Cet arrière-plan de la tradition sémio-idéologique (Condillac, Tracy) permet d’expliciter certains enjeux et moteurs de la conception de Vološinov et du programme du Cercle de Bakhtine. On y retrouve tous les éléments qui fondent la conception de l’«idéologie» chez Vološinov et qui permettent de la considérer comme relevant de la tradition sensualiste pré-marxiste. L’analyse comparée de la sociologie morphologique de G. Simmel et de la linguistique sociologique de Vološinov permet de définir leurs objets comme «formalisme organique», qui se situent dans la continuation de la tradition morphologique allemande.
Cette analyse généalogique aboutit aux conclusions suivantes : 1) l’idéologème ou le «signe idéologique» de Vološinov sont des modifications conceptuelles de la notion «romantique» de «forme interne» ; 2) le «signe idéologique» est défini comme résultat du mélange d’une «perception» et d’une «idée». Cette optique, qui implique le caractère «idéologique» de la perception, rattache la conception de Vološinov à la tradition psycho-sémiotique inaugurée par Condillac ; 3) Les «accents sociaux», les «évaluations sociales» étant liés à la genèse des notions, la dimension sémantique des langues naturelles est pénétrée par la composante idéologique ; 4) la conception du «signe idéologique» est dialogique : elle permet de définir le dialogue en tant que «forme naturelle», «primitive» ou «organique» du langage. Vološinov fait sien le modèle de la communication d’origine romantique fondé sur la réalisation d’une «forme interne».

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